CRISTINA IGLESIAS

Sans titre (Jalousie II)

Appartenant à une génération de sculpteurs espagnols très renommés durant les années 1990, Cristina Iglesias crée de grandes structures minimales qui articulent un équilibre délicat entre le physique et le visuel. Les formes imposantes faites de ciment, de fer ou d'aluminium sont caractéristiques de son œuvre, formes qu'elle juxtapose à des surfaces en treillis sculpté (souvent très richement travaillées avec des cires et des patines) et à des matières précieuses comme le cristal, l'albâtre et les tapis. Préoccupée par la forme et l'espace tels qu'ils se présentent dans la nature, Iglesias crée ses propres paysages sculpturaux à petite échelle. Ses sculptures autonomes, rudement ciselées et pourtant délicatement modelées, sont pour la plupart construites à échelle humaine, malgré leurs dimensions considérables ; leurs appendices architecturaux de composition diverse génèrent un dialogue avec l'espace environnant, invitant le spectateur à se déplacer autour d'eux. Iglesias décrit son  œuvre comme « des pensées, des lieux d'où l'on peut voir, des espaces à mi-chemin entre la réalité et l'image, entre la présence et la représentation, des espaces qui parlent d'autres espaces ».

Dans Sans titre (Jalousie II) [Sin título (Celosía)], Iglesias utilise une forme extraite de son patrimoine culturel — une grille ressemblant à celles que l'on peut voir dans les confessionnaux des églises catholiques —, peut être pour suggérer que l'émotion éponyme, la jalousie, est un péché. Comme le signalait Nancy Princenthal, le titre espagnol Celosía désigne, comme en français, un treillis installé sur une fenêtre et se réfère aussi au sentiment, la jalousie. Comme les jalousies ont pour fonction de tamiser l'entrée de lumière, le titre suggère la perception limitée de la personne en proie à ce sentiment irrationnel. En ne permettant qu'une vision filtrée de son intérieur, la sculpture d'Iglesias fonctionne à la fois comme barrière provocatrice et comme structure évidemment protectrice. Comme dans le cas de nombre de ses œuvres, celle-ci invite le spectateur à se demander comment on voit les choses depuis l'intérieur.