CRISTINA IGLESIAS

Sans titre

Doris Salcedo est née à Bogota en 1958. Après une formation initiale en peinture et une brève incursion dans le théâtre, elle se tourne vers la sculpture dans les années 1980. Pendant son séjour à New York, où elle obtient en 1984 un master en beaux-arts à l'Université du New York, sa découverte de l'œuvre de Joseph Beuys et son expérience en tant qu'étrangère dans cette ville, éveillent son intérêt pour la dimension politique de la sculpture : « Avec son œuvre, je découvris le concept de ‟sculpture sociale", la possibilité de modeler une société à travers l'art » signale l'artiste (1). Après avoir obtenu son diplôme, elle rentre à Bogota pour enseigner la sculpture et la théorie de l'art à l'Université Nationale de Colombie, jusqu'à la fin des années quatre-vingt. L'instabilité politique qu'elle rencontre à son retour la pousse à participer à des projets qui évoquent les répercussions quotidiennes de la violence qui règne à cette époque.

Sans titre (2008) appartient à une série inachevée commencée en 1989, la plus grande série de sculptures à cette date de l'artiste, dans laquelle elle assemble divers éléments, même des meubles domestiques, et les utilise comme véhicule pour explorer la situation politique dramatique qui règne en Colombie. Comme dans d'autres séries, par exemple La maison veuve (La casa viuda, 1992-95), elle utilise aussi ici du mobilier en bois pour évoquer le corps humain et son absence. « Toutes les œuvres que j'ai créées jusqu'à ce jour contiennent des preuvesdirectes d'une victime réelle de la guerre de Colombie » commente l'artiste (2). La série présente des groupes de tables et d'armoires usées par le passage du temps, que l'artiste a réassemblées sous des formes hybrides, en recouvrant les trous et une partie de la surface de béton. Grâce aux propriétés du matériel, les nouvelles formes fonctionnent comme des témoins silencieux de narratives personnelles et collectives.