L’Art de la moto | Guggenheim Bilbao Museoa
Exposition passée

L’Art de la moto

24.11.1999 - 03.09.2000

Voici cent trente ans, ni la bicyclette ni le moteur n'existaient sous leurs formes actuelles. En 1868, Michaux Perreaux conçoit et brevette un moteur à vapeur qui sera installé sur la première bicyclette propulsée à vapeur sortie sur le marché. En 1894, les frères Hildebrand et Alois Wolfmüller brevettent un moteur bicylindrique à essence, refroidi à l'eau et monté sur un cadre de bicyclette, qui deviendra la première motocyclette dotée d'un moteur à combustion interne.

L'art de la motocyclette non seulement couvre un siècle entier de production en série de motocyclettes et son évolution à partir de ce moment, mais aussi les progrès technologiques, les facteurs culturels, sociologiques et économiques qui définissent et caractérisent le XXe siècle. Outre ces facteurs, le marché, la commercialisation, les attentes et les désirs des consommateurs se manifestent à travers les composants et la forme des motos. Le nombre total de motos disponibles (de série, prototypes spéciaux construits en usine, modèles uniques sur commande, sidecars et tricycles pour n'en citer que quelques-uns) est très élevé. Pour narrer l'histoire de la série de fonctions et d'impératifs que représentent les motocyclettes, la sélection a été fondée sur un groupe d'éléments qui définissent parfaitement le XXe siècle: l'esthétique, l'innovation technologique, l'excellence du design et son impact social. Toutes les motos de l'exposition sont le résultat de la combinaison de deux au moins de ces critères, et quelques-unes, comme la BMW R32 ou la Honda Super Club, sont une combinaison harmonieuse des trois.


La BMW R32 a signifié un grand pas en avant en matière de technologie moteurs, ainsi qu'un abrégé du design esthétique de notre époque. Si nous observons ce modèle génial, œuvre du concepteur aéronautique Max Friz, nous saisissons sur quoi est fondé le succès des motos BMW, qui dure depuis un siècle. Le point fort de toutes les motos fabriquées par BMW jusqu'à nos jours est l'indestructible moteur bicylindrique opposé transversal, baptisé du nom de Boxer et monté pour la première fois sur la R32 en 1923. La BMW R32 semble réunir tous les idéaux de la Bauhaus et l'élégance de ses belles lignes triangulaires est évidente . Il s'agit d'une machine qui semble nous inviter à la chevaucher et à l'admirer.

La subtilité n'est un mot approprié pour décrire l'Indian Chief. La moto idéale du motocyclisme américain pourrait être définie par les adjectifs 'grande, voyante et magnifique'. L'Indian Chief, bien que conçue dans les années 20, a connu un succès mérité en 1940 grâce à l'incorporation de garde-boue profonds et curvilignes qui deviendront l'emblème de la marque. C'était une moto pour esprits libres, prêts à prendre la route pour ne jamais revenir. Sur route, elle remplissait bien ses fonctions, grâce à un énorme moteur de 1.206 cc susceptible d'atteindre des vitesses voisines de 140 km/h. L'Indian Chief a été l'une des motos de luxe originales du motocyclisme américain et a créé une esthétique de cruiser qui a été imitée jusqu'à nos jours, en particulier par celle qui fut sa grande rivale, la Harley Davidson.

Les gens sympa vont en Honda. Tel fut le slogan qui a complètement bouleversé le marché des motocyclettes au début des années 60 et, simultanément, a ouvert à Honda les portes du gigantesque marché américain. A partir de ce moment, les choses ne seraient jamais plus comme avant. Mais ce n'est pas une puissante moto de grande cylindrée qui est à la base de l'irruption de Honda sur le marché occidental, mais une minuscule motocyclette de 50 cc, avec un cadre ouvert pour monter commodément, un embrayage automatique et un élégant design rouge et crème. Le type de motocyclette que notre mère ne s'inquiéterait pas de nous voir utiliser. En y réfléchissant, le type de motocyclette que pourrait conduire notre mère! La Honda C100 Super Cub, selon son pompeux nom complet, fut le génial cheval de Troie miniature du fondateur de la firme, Soichiro Honda, et elle a préparé le terrain pour une profonde révolution dans les ventes de motos au cours des années suivantes. Aujourd'hui, nous avons peine à le croire mais alors les gens se moquaient des Honda 50. Après vingt-six millions et demi de Hondas 50, plus personne ne rit (Vous avez bien lu! 26,5 millions de Honda Super Cubs). A l'exception, peut-être, des concepteurs de Honda, qui pourraient se permettre un sourire ironique en reconnaissance à l'audace de Soichiro Honda qui pensait qu'il pourrait changer le monde. En vérité, il pouvait le faire, et il l'a fait.

Il résulte ironique que le succès de Honda ait signifié la ruine de l'industrie britannique de motocyclettes, trop lente à réagir face aux nouveaux modes de production, de design et de commercialisation japonais. Parmi les meilleures motos de cette tradition sacrée se trouvait la Triumph Bonneville, que tient son nom des plaines salées de l'Utah dans lesquelles furent battus d'innombrables records de vitesse. Triumph choisit délibérément ce nom car la firme voulait donner à une moto typiquement britannique un nom à résonance américaine et celui de Bonneville était parfait. Les motos furent la passion de toute une génération de motards américains et le nom de Triumph a connu la consécration dans des films comme The wild one! et La grande évasion. La malédiction des Triumph, d'une conception par ailleurs précise, légère et très rapide, grâce à Edward Truner, était la vibration. Toutes les bicylindrées verticales en souffrent et les vibrations augmentent proportionnellement avec la taille du moteur. En réalité, tout cela fut considéré comme faisant partie de son charme jusqu'à l'arrivée de Honda, avec son suave moteur tétracylindrique à turbine, le CB750. Le succès de Honda signifia le coup de grâce pour Triumph et sa fin arrivera rapidement. Aujourd'hui, le nom de Triumph a été récupéré mais la mystique du passé reste incarnée par la Bonneville.

Trois motocyclettes espagnoles représentent l'inventivité et l'adaptabilité des concepteurs de motos espagnols: la Bultaco Sherpa T, la Derbi 50 Grand Prix et la Gas Gas.

La motocyclette Derbi 50 Grand Prix est une merveille quant à la vitesse et à la précision. Il est à noter que son point de départ est une motocyclette, la Antorcha, qui était le cyclomoteur le plus courant de tous. La Derbi 50 pourrait faire le bonheur d'un horloger; petite, légère et, surtout, entre les mains d'un génie comme Angel Nieto, extrêmement rapide -trop rapide pour ses rivaux de Kreidler et Suzuki, équipes beaucoup plus puissantes que la sienne.

Les deux autres motos espagnoles sont la preuve de comment la réussite d'un design peut transformer radicalement un sport . Jusqu'au milieu de la décennie soixante, le trial, dans lequel les coureurs doivent surmonter une série d'épreuves spéciales sur des terrains difficiles, était dominé par les grandes machines britanniques à quatre temps: Ariels, Matchlesses et Nortons. Sammy Miller, le meilleur coureur, et le plus complet, de l'époque, décida que ces motos étaient trop lourdes pour avoir de l'avenir et s'associa avec le concepteur espagnol Paco Bultó pour produire la première Bultaco Sherpa pour la saison des courses 1965. Non seulement cette motocyclette révolutionna les épreuves en Grande-Bretagne, mais elle s'avéra aussi comme le design le plus réussi de la compétition jusqu'à ce jour , ce qui ouvrit à ce sport les portes de toute l'Europe et des Etats-Unis.

En Espagne, Jordi Tarres, inspiré par des hommes comme Sammy Miller (et Malcolm Rathmell avec sa Montesa), voulait participer aux épreuves mais était trop jeune pour le faire. A la place, il participa à la Trial Sin, la version cycliste de ce sport, grâce à laquelle il put développer ses caractéristiques acrobaties: le saut de lapin pour sauter par dessus les obstacles et l'art de bouger la bicyclette autour d'un point en gardant le maîtrise. Quand il a eu l'âge de participer à des courses moto, Tarres a transféré toute son habilité aux motocyclettes, qui étaient trop lourdes à son gré. La Gas Gas, avec laquelle il a gagné le championnat du monde, n'est guère plus qu'une bicyclette parfaite avec un moteur (curieusement, en cent ans, le design de la motocyclette est revenu à son point de départ). Elle est incroyablement légère, dépourvue de siège (les coureurs de trial restent debout) et avec un simple mouvement du poignet elle peut adopter des positions verticales qui semblent impossibles.

La Britten V-1000 s'entoure d'un voile de mystère, en partie à cause de la mort tragique de l'ingénieur qui l'a conçue. Le néo-zélandais John Britten fut le génie inconformiste du design moderne des motos. De la fin des années quatre-vingt jusqu'à sa mort par cancer en 1995, Britten s'est maintenu à la tête du monde du design de motos de course grâce à sa moto de competition, révolutionnaire et élégante.

La machine de Britten était construite à la main et montée sur un moteur propre, un bicylindre 60E V de 1000cc. D'une conception élégante, elle possède un moteur léger, très robuste, incroyablement suave pour un bicylindre en V, et puissant, susceptible de développer une puissance effective de 160 C.V. à 11.500 r.p.m. Le moteur est le cour et l'âme de la Britten et toutes les décisions relatives à son design externe en découlent. La décision la plus radicale de Britten fut de ne pas utiliser un châssis conventionnel.

En revanche, en utilisant du Kevlar et de la fibre de carbone, tout, du siège et des roues jusqu'à la suspension, se visse sur le moteur, qui se transforme en unité centrale d'effort. Le siège lui-même est une simple pièce en fibre de carbone qui se prolonge jusqu'à la partie arrière depuis la culasse du cylindre. En réalité, la suspension arrière est montée devant le moteur et se connecte à l'arrière avec un basculeur, également composite, par l'intermédiaire d'une longue biellette. L'intention était de concentrer le plus de poids possible autour du moteur pour obtenir une moto compacte et facilement maniable.

Toute cette merveille d'ingénierie aurait pu déboucher sur un cauchemar technologique. Avec son ressort en spirale compact et quasi organique, Britten réussit à transformer son rêve en quelque chose de beau, et qui, en plus, gagnait des courses. Il a réussi sur les deux tableaux et sa moto de course est peut-être celle qui a exercé la plus grande influence dans les années quatre-vingt-dix.

Ultan Guilfoyle
Assesseur au commissariat

 

L’Art de la moto
BMW R32, Allemagne, 1923
494 cc

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