Lévres | Jeff Koons | Guggenheim Bilbao Museoa
Exposition passée

Jeff Koons : Amusementfacile-éthéré

02.10.2001 - 20.01.2002

C'est au milieu des années quatre-vingt que Jeff Koons devient célèbre en tant que membre d'une génération d'artistes soucieuse d'explorer la signification de l'art dans une époque saturée par les médias et par la crise de représentation due à ceux-ci. Mû par l'intention artistique affiché de « communiquer avec les masses », Koons s'inspire du langage visuel de la publicité, du marketing et de l'industrie du divertissement pour éprouver les frontières entre la culture haut et bas de gamme : ainsi, sa collection de sculptures comprend des aspirateurs renfermés dans des récipients en plexiglas, des ballons de basket flottant dans des aquariums en verre et des hommages en porcelaine à Michael Jackson et à la Panthère Rose. Dans la lignée de Dada et de Duchamp, enrichie de références à l'art minimaliste et pop, l'artiste confère à l'art un caractère de bien de consommation non catalogable au sein de la hiérarchie esthétique conventionnelle.

Dans sa nouvelle série de pièces intitulée Amusementfacile-éthéré (Easyfun-Ethereal), commandée par le Deutsche Guggenheim Berlin, il nous montre de la nourriture, de la mode et du divertissement. L'ensemble, composé de sept peintures de grand format, déborde d'énormes coulées de chocolat et de délicieux sandwichs souriants, d'humides lèvres peintes et d'intenses teintes de cheveux, sans parler de voyages vertigineux sur des montagnes russes et d'amusants déguisements de Halloween. A l'aide de reproductions scannées extraites de publications illustrées et de photos personnelles, Koons combine des images familières et parfois hétéroclites pour créer des tableaux de type collage exécutés avec la précision du réalisme photographique. Les œuvres évoquent l'iconographie publicitaire et la technique picturale des panneaux d'affichage présentes dans l'art pop de James Rosenquist, bien que, en comparaison, le travail de Koons exsude une sensation d'excès et d'effervescence. Il comprime son imagerie en gros plan et traite ses thèmes sous forme d'images intentionnellement opaques et planes qui semblent nier toute tentative de critique sociale ou d'implication psychologique spécifique, remplacées par une satisfaction personnelle absolue qui chante l'attraction et le désir sexuel adulte, ainsi que la consommation infantile et insatiable de la culture populaire.


Bien que dans ses créations abondent les emblèmes familiers extraits de la réalité quotidienne, l'artiste a expliqué pourquoi il utilisait précisément des éléments kitsch. Au cours d'un entretien et à propos justement d'une série antérieure de peintures également intitulée Amusementfacile (Easyfun), 1999, dont découle cette nouvelle série, Koons a déclaré : « J'ai travaillé avec des objets qui ont parfois été qualifiés de kitsch; pourtant le kitsch en lui-même ne m'a jamais intéressé. J'essaie toujours d'apporter aux spectateurs de la confiance en eux-mêmes, une base. A mon avis, mes tableaux sont plus centrés sur le spectateur que sur n'importe quelle autre chose ». Son travail regorge d'éléments baroques et, en ce sens, l'imagerie sinueuse et gaie qui figure dans sa nouvelle série a été conçue pour attirer l'observateur, l'inciter à l'optimisme et lui insuffler « confiance et sécurité ».

Son nouveau style de peinture pop incorpore très intelligemment d'autres références à l'histoire de l'art, notamment au surréalisme et à l'expressionnisme abstrait. Dans la pièce Lèvres (Lips), par exemple, c'est une fantaisie éthérée et vaporeuse qui nous assaillit. Les images flottantes de lèvres charnues et d'un œil aux longs cils évoquent l'iconographie onirique de René Magritte, Max Ernst et Salvador Dalí, tandis que le jus versé tout autour suggère les coulures de peinture de l'expressionnisme abstrait de Jackson Pollock, auquel Koons fait également référence dans une autre œuvre : bien que son titre Poteaux bleus (Blue Poles) décrive les montants d'une montagne russe, il est en réalité emprunté à un travail tardif du maître moderne. Par la fusion d'images pop, de surréalisme et de quelques touches d'abstraction, Koons associe divertissement et fantaisie pour créer une chimère déclinée en une série d'œuvres qui évoquent le plaisir onirique dans des formes libres de pesanteur. Dans Amusementfacile-éthéré, l'artiste embrasse le futur en s'emparant de la technologie informatique tout en maintenant un lien étroit avec les traditions artistiques du passé.

Englobé parmi les artistes des années quatre-vingt qui s'appliquent à rechercher des langages populistes leur permettant d'explorer la débâcle de l'art et du langage, Koons s'en est détaché pour devenir l'artiste le plus international de sa génération. Son travail a fait l'objet de nombreuses expositions, tant aux États-Unis qu'en Europe, dont les plus remarquables ont été les rétrospectives organisées par le Musée d'art Moderne de San Francisco et le Stedelijk Museum d'Amsterdam en 1992/1993. En mai 2000, il installe une nouvelle sculpture florale baptisée Split-Rocker dans le Palais des Papes d'Avignon et, un mois plus tard, il reprend son célèbre Puppy de 1992 pour le Rockefeller Center de New York.

 

Jeff Koons
Lévres (Lips), 2000
Huile sur toile
3 x 4,3 m
Deutsche Guggenheim, Berlin

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